lundi 23 mai 2016

A fleur de peau : l'anxiété chez les autistes

Beaucoup de personnes autistes souffrent d'anxiété. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de ce qui peut provoquer cette anxiété, voire déclencher une véritable crise d'angoisse.

Lorsque je travaillais dans un supermarché, un de mes collègues aimait nous faire des blagues. Il les trouvait très drôles, mais pour moi, voici comment cela se passait.

Je commence mon travail. Je suis très occupée à mettre du pain frais en rayon, quand, tout à coup, un coup de klaxon brutal résonne dans mon dos.
 
Je fais un bond. Mon coeur se met à battre la chamade, la tête me tourne, mes mains sont moites. Les larmes me montent aux yeux en même temps qu'une rage dans la poitrine. Je me retourne et je vois mon collègue sur le chariot élévateur, hilare. Il se rend immédiatement compte que je suis en colère, et il me dit en haussant les épaules : "Rigole, c'était une blague!"

Une blague n'est pas drôle quand c'est aux dépends de quelqu'un. Il se trouve que les bruits forts et soudains provoquent beaucoup d'anxiété chez moi et affectent mon humeur pour le restant de la journée.


Cet exemple illustre l'une des causes d'anxiété chez les autistes :

1. Les difficultés sensorielles. Les autistes sont souvent extrêmement sensibles au bruit, à la lumière, aux stimuli visuels ou au toucher. Une connaissance atteinte, comme moi, du syndrome d'Asperger, porte constamment des lunettes de soleil et une casquette parce que la lumière du jour et celle des néons est trop violente pour lui. Un volume sonore élevé provoque en moi un véritable incomfort physique, parfois même de la douleur, et me met sur les nerfs pour longtemps. C'est aussi le cas si on me touche sans que je ne m'y attende : parfois, quelqu'un pose amicalement la main sur mon épaule et je sursaute. Assurez-vous toujours qu'une personne autiste est d'accord avant de la toucher ; d'ailleurs, cela ne devrait-il pas s'appliquer à tout le monde? Mon corps m'appartient. Moi seule peut décider qui peut le toucher, et quand. Les stimuli auditifs ou visuels peuvent aussi provoquer une véritable surcharge pour notre cerveau, qui ne parvient pas à les trier. L'anxiété ainsi déclenchée peur mener jusqu'à l'effondrement mental. Cette vidéo illustre bien la surcharge sensorielle ressentie par un autiste :

 

2. L'incertitude :  ne pas savoir ce qui se passe ou ce qui va arriver, ou ne pas savoir ce qu'on attend de nous. Vous savez sans doute que les autistes ont besoin de routines. Par contre, vous ne savez peut-être pas qu'il ne s'agit pas là d'une simple préférence. Quand il se passe quelque chose d'inattendu, nous sommes complètement perdus, incapables de réagir, et nous paniquons.

La plupart des règles et routines qui rythment notre quotidien changent en fonction des circonstances, mais pour les autistes, ces changements constituent une épreuve. Par exemple, imaginons que vous ayez interdit à votre enfant autiste d'entrer dans la buanderie, parce que vous ne voulez pas qu'il touche à la machine à laver ou à la poudre à lessiver.  Mais aujourd'hui, il a joué dehors et ses vêtements sont couverts de boue, alors vous l'emmenez directement dans la buanderie pour enlever ses vêtements. L'enfant ne comprendra pas pourquoi vous l'emmenez dans un lieu interdit. La crise émotionnelle ou le refus d'obtempérer n'est pas une désobéissance obstinée, un désir de vous mettre en colère ou un comportement "méchant". Plutôt, son comportement révèle une profonde angoisse face à une situation incompréhensible pour lui. Il faut soit vous en tenir à la règle ("On ne va pas dans la buanderie"), soit, si votre enfant est en mesure de comprendre vos explications, lui dire que dans ces circonstances et sous votre surveillance, il peut, aujourd'hui, entrer dans la pièce interdite. On utilise souvent des "scénarios sociaux" en images pour expliquer aux enfants autistes ce que l'on attend d'eux dans une situation donnée.

3. Les interactions sociales. Les autistes ont du mal à comprendre les signaux et les conventions sociales, voire le langage ; et ils ont des difficultés à communiquer de manière appropriée. Même si on nous a inculqué comment interagir convenablement avec les autres, cela reste un comportement appris et non pas inné. Cela demande un effort et une réflexion constante de notre part pour maintenir le bon comportement, et c'est épuisant. De plus, si nous rencontrons des gens que nous ne connaissons pas, l'incertitude augmente notre stress : nous ignorons comment cette personne va agir, comment elle va nous affecter, et comment nous somme censés réagir ! On nous impose parfois des normes sociales que nous trouvons pénibles. Par exemple, dans ma région, les gens se saluent en se faisant la bise. Refuser de le faire est mal vu : on est considéré comme impoli ou asocial. Cependant, laisser quelqu'un toucher mon visage n'est pas facile pour moi. J'ai besoin d'avoir confiance en cette personne. Je suis donc mal à l'aise quand je dois faire la bise à des gens que je ne connais pas bien. Je n'ose pas refuser pour ne pas être impolie, mais cela augmente mon stress.

Les personnes autistes éprouvent des difficultés face à des choses qui ne posent aucun problème à la plupart des gens. S'il vous plaît, rappelez-vous que la personne en face de vous est peut-être confrontée à une profonde angoisse, même dans une situation qui vous semble tout à fait ordinaire.