dimanche 8 février 2015

Réveil

Lorsque j'était enfant, je disais parfois à ma mère: "Je n'ai pas besoin des autres. Les livres me suffisent." 

J'étais mal à l'aise avec les autres, à l'exception de ma mère. Je ne les comprenais pas, et je ne me sentais pas comprise. Alors, les livres étaient un bon moyen d'évasion; un cocon dans lequel me réfugier. Les livres ne sont pas angoissants. Les intentions des personnages sont souvent explicites; leurs pensées et émotions, leur raisons d'agir sont détaillées. Il est alors facile de les comprendre. Malheureusement, c'est rarement le cas dans la vie, et donc, les gens sont totalement imprévisibles. C'est pour cela qu'il m'était plus facile de prétendre n'avoir pas besoin d'eux.

Pourtant, en grandissant j'ai confusément pris conscience de ne pas pouvoir vivre isolée, sans les autres.

Je me souviens, j'ai douze ans. J'ai fini l'école primaire et je vais entrer en secondaire. Ma mère s'inquiète au sujet des mes difficultés sociales. La fille d'une de ses collègues, Delphine, sera dans la même école que moi.

Maman me dit: "Delphine n'a pas un bon souvenir de toi. Elle dira à tout le monde que tu es une mauvaise, et personne ne voudra être ton amie."

Je me souviens avoir pensé: "Je ne veux pas que Delphine me déteste. Je ne veux pas que les gens me croient méchante."

Alors, sans rien dire à maman, je prends mon vélo et je vais jusque chez Delphine, dans une village à plusieurs kilomètres. Je ne suis jamais allée si loin seule en vélo.

Je ne sais pas ce que je vais faire, ce que je vais dire à Delphine. Je veux juste que les choses soient différentes, changer sa perception.

Je ne me souviens pas si j'ai parlé à Delphine, seulement que sa maman m'a offert une limonade avant de me reconduire chez moi en voiture. Rien n'a changé, Delphine n'est pas devenue mon amie, et j'ai eu de grosses difficultés relationnelles en secondaire. Mais confusément, quelque chose avait changé en moi. Je voulais aller vers les autres.

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