samedi 13 décembre 2014

Asperquoi?



Dans mon premier article, j'ai partagé le fait que je suis atteinte du syndrome d'Asperger. Certains d'entre vous étaient déjà au courant; pour d'autres, c'est une nouvelle déroutante, d'autant plus que ce syndrome est mal connu dans le monde francophone.

C'est pour cette raison que je vais expliquer de quoi il s'agit, en général bien sûr, mais aussi pour moi.

Le syndrome d'Asperger est un trouble de type autiste. Les gens atteints d'autisme - comme moi - éprouvent des difficultés à assimiler les informations dont le monde les bombarde. Ces difficultés sont principalement présentes sous trois formes: la communication sociale, les interactions sociales, et l'imagination sociale.

Les autistes profonds, par exemple, ne peuvent même pas comprendre comment fonctionne la communication verbale. Pour d'autres, comme moi, il est difficile de comprendre les expressions faciales ou le langage corporel, de savoir comment entamer une conversation de manière opportune, ou si quelqu'un blague, nous prenons ce qu'il (ou elle) dit au sérieux. Il me faut souvent un peu de temps pour assimiler ce qu'on me dit, ce qui peut poser de sérieux problèmes au travail. C'est ce que l'on entend par "problèmes de communication sociale".

Les règles sociales que la plupart des gens respectent sans même y penser nous semblent souvent déroutantes. Parfois, nous nous comportons de manière tout à fait inadéquate, non pas parce que nous sommes impolis ou cherchons à embêter les autres, mais parce que nous n'avons pas conscience du caractère inapproprié de nos actes. Nous nous sentons souvent complétement dépassés par les situations sociales; c'est pourquoi j'ai tendance à éviter les grandes fêtes, même si je tiens beaucoup à mes amis (je préfère juste ne pas les voir tous en même temps!). C'est ce que l'on entend par "problèmes d'interaction sociale".

Les sentiments et actions des autres sont très mystérieux pour nous, à moins qu'on ne nous les explique. Nous semblons souvent manquer d'empathie; pourtant, nous ne sommes pas insensibles aux émotions des autres: nous avons simplement des difficultés à décoder correctement les signaux subtils qu'ils nous envoient. Par contre, s'ils expriment clairement ce qu'ils ressentent, nous pouvons faire preuve d'une grande empathie - pour certains d'entre nous, au point d'éprouver nous-même les souffrances des autres. Nous perdons très vite nos moyens quand nous sommes confrontés à une situation nouvelle, car nous ne pouvons que très difficilement imaginer une solution alternative à celle que nous connaissons; c'est pourquoi nous avons souvent tendance à préférer des routines plus ou moins strictes. Lorsque nous apprenons quelque chose de nouveau, il nous est très difficile de le généraliser pour l'appliquer à une situation semblable, pour peu qu'elle soit un peu différente. C'est pourquoi les situations nouvelles peuvent provoquer beaucoup d'anxiété en nous: quand je me sens dépassée, il m'arrive de rester figée, voire de fondre en larmes parce que je ne sais pas quoi faire. C'est ce que l'on entend par "problèmes d'imagination sociale".

En plus de ces difficultés, nous souffrons souvent de problèmes sensoriels, comme par exemple une hypersensibilité au bruit, à la lumière, aux odeurs ou au toucher. Cette hypersensibilité peut être aggravée par la fatigue: je ressens alors les bruits ou les odeurs fortes comme une véritable agression, presque douloureuse. Pour d'autres personnes atteintes d'un syndrome de type autiste, les problèmes sensoriels sont, au contraire, un baisse de la sensibilité aux stimuli, ce qui peut s'avérer dangereux, car on peut alors n'avoir pas conscience de la gravité d'une blessure. Chez certains d'entre nous, le système nerveux peut sans cesse passer d'une hypersensibilité à une "hypo-sensibilité".

Toutes ces difficultés ne sont en général pas perceptibles par autrui. C'est pour cela qu'on parle parfois d'un handicap "invisible". Ainsi, vous me verrez probablement comme une personne "normale", jusqu'au moment où vous me demanderez quelque chose et où je répondrai "à côté", ou que je ne suivrai pas correctement une instruction parce que sa formulation n'était pas suffisamment claire pour moi. Ou alors, quelque chose d'imprévu arrivera, et je ne réagirai pas de la façon la plus "évidente"; ou je fondrai en larmes sans raison apparente. Ou j'agirai d'une manière étrange pour une personne de mon âge - comme sautiller si je suis vraiment contente, ou pousser un cri et me fâcher parce que quelqu'un a klaxonné et m'a fait sursauter. Je pourrais continuer... 


Et donc, comme ce handicap est "invisible", les gens qui ne nous connaissent pas peuvent nous trouver bizarres ou impolis.

Maintenant, vous en savez un peu plus sur l'autisme et le syndrome d'Asperger.

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